Moïse Jean-Charles : entre populisme affiché et réseaux de pouvoir verrouillés

- Mackenson Sylvain
- 09 Aug, 2025
- Moïse Jean-Charles, figure politique au style résolument populiste, a récemment été confronté à une scène humiliante qui risque de marquer durablement sa carrière. À Pétion-Ville, des militants politiques, visiblement excédés, l’ont expulsé d’un hôtel sous un flot d’invectives, le qualifiant de « roi bluffeur ». Cet épisode, largement relayé, illustre la polarisation que suscite cet homme, tour à tour adulé par certains et honni par d’autres.
- Derrière ses discours enflammés et ses postures de défenseur du peuple, Moïse Jean-Charles a su tisser une toile d’influence redoutable dans l’appareil d’État. Plusieurs observateurs dénoncent un verrouillage méthodique de secteurs stratégiques, lui permettant de transformer des institutions publiques en instruments de pouvoir personnel.
- Parmi les leviers qu’il contrôle, le ministère de l’Agriculture occupe une place centrale. En plaçant des fidèles à des postes clés, il a pu peser sur le lucratif marché des anguilles, une filière aux enjeux économiques importants. De même, la nomination de Gracien Jean à des fonctions sensibles lui aurait permis d’influer sur des dossiers électoraux, un domaine où chaque décision peut peser lourd dans l’avenir politique du pays.
- Autre exemple, l’arrivée de Jacceus Joseph au Conseil Électoral Provisoire (CEP) n’est pas perçue comme le fruit du hasard, mais comme un coup de force orchestré pour verrouiller une institution cruciale dans l’organisation des scrutins.
- Son influence ne s’arrête pas là. La Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (DINEPA) et une partie de l’Office National d’Assurance Vieillesse (ONA) sont également dans son orbite, renforçant ainsi un réseau qui dépasse largement le cadre de son discours officiel. Pour ses détracteurs, cette mainmise traduit une vision clientéliste où l’État sert d’abord à consolider un pouvoir personnel, plutôt qu’à améliorer le quotidien des citoyens.
- Cette double facette — celle d’un tribun populaire et celle d’un stratège politique verrouillant des institutions — nourrit la controverse. L’épisode de Pétion-Ville, bien que spectaculaire, ne serait que la partie visible d’un iceberg politique où alliances, nominations et prises de contrôle discrètes s’entremêlent.
- Pour ses partisans, Moïse Jean-Charles reste un homme de conviction qui agit dans l’intérêt du peuple, même si ses méthodes dérangent. Pour ses adversaires, il est au contraire l’incarnation d’un système politique où le pouvoir se concentre entre les mains d’une élite qui se cache derrière une façade populiste.
- Au final, cette confrontation publique et la révélation de ses réseaux d’influence pourraient redessiner les rapports de force autour de lui. Reste à savoir si, dans un contexte politique haïtien déjà instable, cette image écornée marquera le début d’un déclin ou, au contraire, renforcera son aura auprès d’une base fidèle.
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