A plus d’une décennie, les champs de canne à sucre à Léogâne, entièrement bétonnés
La commune de Léogâne, située à 32 kilomètres de Port-au-Prince, a toujours été considérée comme l’une des régions les plus prospères du pays, avec sa production de canne à sucre, qui, aujourd’hui, est enlaidie par des aménagements en béton.
La ville de Léogâne a toujours été la plus meurtrie par le cataclysme. Quatorze (14) ans après le puissant séisme dévastateur de 2010, elle est devenue urbanisée, malgré sa réputation pour la canne à sucre. Suite à la catastrophe de 2010, de nombreuses organisations ont dû prêter main-forte aux victimes. Ceux qui ne possédaient ni maisons ni terrains se sont mis à la quête de terrain libre, en vue de bénéficier de l’aide auprès des organisations. Dans le cadre de leurs projets, sans l’accord de l’État central ni de la mairie, elles ont procédé à la distribution de quelques abris provisoires. Nombreux sont ceux qui se sont retrouvés dans la commune dans cette même optique, pour en bénéficier, sur des terrains obligatoirement destinés à l’agriculture. Ils se sont échappés aux prix prohibitifs du loyer dans la capitale, pour se procurer un lopin de terre.
Partout dans la commune, là où on pouvait à une certaine époque rencontrer des cultivateurs dans leurs champs, même avec les yeux fermés, on peut constater le nombre de champs détruits pour céder place aux bétons.
Les planteurs aux abois
Le transit des champs de canne à sucre par du béton est un désarroi total pour les planteurs. La majorité des familles léoganaises vivaient de la canne à sucre, ils plantaient afin de subvenir aux besoins de leur famille, payer la scolarité de leurs enfants, les envoyer à l’étranger, répondre à certains besoins. Mais aujourd’hui, la majorité de ces terrains se sont vendus, plus de canne à sucre. Pour cet ancien planteur, la vie n’est pas aussi facile. Âgé de plus de soixante ans, il nous explique qu’il possédait bon nombre d’hectares de terres, qu’il embauchait même les jeunes du quartier qui ne faisaient rien à l’époque. Maintenant, il ne lui reste plus rien, car il a vendu tous ses terrains et les a cédés à des constructions, dans le but d’investir pour ses enfants et sauver la vie de sa femme qui était hospitalisée. D’un air triste, ce père de sept enfants évoque l’époque dans sa ville natale, là où il s’est marié et a eu ses enfants. Les champs de canne à sucre étaient tellement nombreux que le chômage ne faisait pas tous ces échos. Avec un large sourire, « Moi-même, personnellement, toute la localité m’appelait DG », explique-t-il. Le planteur accueillant nous fait savoir que le mal est partout, certains utilisaient de la magie pour que ses récoltes soient meilleures que d’autres. Si par malheur on se laissait atteindre, on perdait notre récolte, on ne bénéficiait même pas de nos dépenses. Durant les années antérieures, lorsque la canne à sucre était en vogue dans la ville, lors des récoltes, des paysans se rendaient toujours dans des usines de sucre et de clairin pour livrer leurs marchandises. En une seule journée, ils pouvaient gagner mille dollars et plus. Aujourd’hui, non seulement ils n’ont plus de canne à sucre mais aussi ils n’ont plus de champs pour continuer avec la plantation. Ils ont tout vendu, ils n’ont aucun moyen de continuer à pratiquer l’agriculture. Ils sont découragés par la baisse de leur production, liée au manque de moyens économiques et aux nombreuses parcelles de terres vendues. Avec cette baisse, quand des personnes viennent leur offrir de l’argent pour récupérer leurs terrains pour des constructions, ils n’ont aucune autre option que de les vendre. La situation est néfaste pour la commune, car l’économie reposait sur la plantation de la canne à sucre.
La situation s’aggrave de jour en jour
Les lieux destinés aux champs à une époque sont aujourd’hui séparés par des rues et ruelles. Selon le planteur de sept enfants, vivre dans un environnement changeant n’est pas du goût de tous. « Moi personnellement, je ne pouvais m’y adapter, mais bon, je ne peux rien faire pour remédier à la situation », lâche-t-il. Cette situation est, selon lui, la conséquence de cette émergence sans contrôle des constructions. La tristesse et la désolation se lisent sur le visage de tout paysan qui n’a plus rien et ne sait à quel saint se vouer. Ces changements ont bouleversé les habitudes des paysans et ne vont pas nécessairement dans le sens qu’ils auraient souhaité. La situation actuelle du pays recule les activités restantes de la commune qui malgré tout continue d’exister. « Il y a un paysan, un grand planteur que je connaissais lorsque je faisais de l’agriculture, il est malheureusement atteint de cécité. C’était un grand homme, au grand cÅ“ur. Il possédait de nombreux terrains, il les a vendus pour envoyer ses enfants à l’étranger. Quelqu’un comme lui ne pouvait pas être dans cet état », explique-t-il. Autrefois, tout bougeait autour d’eux, les travaux se faisaient au quotidien, jour et nuit. Si on bougeait moins vite que son environnement, on devait à n’importe quel moment rattraper le temps perdu. Raconte le planteur. « Là où je travaillais, je n’étais en compétition avec personne, chacun faisait son travail, tout en sollicitant de l’aide auprès d’un autre. À chaque goutte de pluie, l’inondation est au rendez-vous dans certains quartiers, car en effet, les terrains accueillent aujourd’hui les habitants faisaient majoritairement partie des champs de canne à sucre. »
Le rôle de l’État dans tout ça
L’État est absent, la procrastination est un problème qui touche tout le monde bien sûr. L’État ne fait que procrastiner. Il ne faut pas régler un problème en créant un autre, encore moins en l’évitant. L’État devait s’engager au bon moment, mais malheureusement la vague est devenue gigantesque. L’agriculture perd toute son ampleur. La majorité des terres ne sont plus cultivables mais plutôt bétonnées. Par contre, à une époque, il n’y avait aucun petit chemin pour circuler pas même à pied, car la plantation était au rendez-vous. Aujourd’hui, les champs sont presque tous tracés en rues permettant aux voitures de circuler. L’agriculture perd toute son ampleur partout, plus précisément dans la commune, celle qui fut à un certain temps connue pour sa réputation de la canne à sucre. Par ailleurs, ces champs de canne à sucre pouvaient sauver l’agriculture ainsi que l’économie du pays. Mais l’État ne prend pas conscience de la nécessité d’agir à l’égard du peuple. Est-ce qu’il aurait fait le pari que tout pouvait se régler comme par enchantement et sans leur intervention ?
Peut-on un jour espérer revoir les champs et l’enthousiasme des paysans récoltant leur canne à sucre ? On n’a qu’à espérer.
Very interesting. Can you look at the effects on the businesses directly linked to sugar cane plantation like sugar production, alcohol (guildives), rapadou production etc